Coincé entre les deux géants asiatiques, la Chine et l’Inde, ce pays à majorité bouddhiste longtemps resté fermé au monde extérieur, a depuis longtemps déjà développé une approche originale du développement économique, centrée sur la protection de l’environnement et le bien-être.
Son modèle de développement mesurant le bonheur au lieu du Produit intérieur brut (PIB) a été évoqué aux Nations unies et a reçu le soutien public de dirigeants européens, notamment en France et en Grande-Bretagne.
La télévision y était interdite jusqu’en 1999 afin de préserver la culture ancestrale des influences étrangères. Plus récemment, les autorités ont imposé un jour piéton, le jeudi, pour interdire les voitures en ville.
Cette détermination à suivre une voie différente s’exprime à nouveau dans son nouvel objectif de supprimer progressivement les produits chimiques agricoles d’ici les dix prochaines années, pour que ses aliments de base (pommes de terre, blé, fruits) soient 100 % bio. « Le Bhoutan a décidé de s’engager dans une économie verte à la lumière de l’extraordinaire pression que nous exerçons sur la planète », explique le ministre de l’Agriculture, Pema Gyamtsho.
Le Bhoutan est peuplé de 700.000 habitants, dont deux tiers dépendent de l’agriculture dans les villages éparpillés dans les plaines fertiles du sud, les montagnes reculées ou les vallées encaissées du nord du pays.« Si l’on pratique l’agriculture intensive, cela implique l’utilisation de nombreuses substances chimiques, ce qui ne correspond pas à notre croyance bouddhiste qui nous demande de vivre en harmonie avec la nature », explique le ministre de l’Agriculture.
Densément boisé, le pays n’a que 3 % de terres cultivées.
La majorité des paysans utilisent déjà des feuilles pourries ou du compost en guise de fertilisant naturel. « Seuls les paysans vivant dans des endroits accessibles par route ont la possibilité de recourir à des produits chimiques », détaille le ministre, précisant que leur utilisation reste à « des niveaux très bas » au regard des critères internationaux.

Devenir bio en une nuit

Dans les vallées, comme celle qui entoure la capitale endormie, des substances chimiques sont utilisées pour éliminer une mauvaise herbe difficile à enlever à la main, une aide précieuse vu le manque de main d’oeuvre agricole. Certains paysans utilisent aussi un fongicide pour protéger le blé. « Nous avons développé une stratégie évolutive. On ne peut devenir bio en une nuit » reconnaît M. Gyamtsho, précisant que cette politique a été adoptée par le gouvernement l’an dernier. « Nous avons identifié des récoltes qui peuvent devenir bio immédiatement et d’autres qui verront un retrait progressif de l’utilisation des produits chimiques, comme le riz

Le bio, spécialité des très petits pays

Le seul concurrent du Bhoutan pour devenir le premier pays « 100 % bio » » st la petite île autogérée de Niue, dans le Pacifique sud, peuplée de 1.300 habitants. L’île voudrait atteindre son objectif à l’horizon 2015-2020.
Le marché de l’alimentation bio et ses prix plus élevés attirent les petits pays, selon Nadia Scialabba, spécialiste de l’agriculture biologique pour la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Ce marché est possible « pour de très petits pays qui ne sont pas compétitifs en quantité, mais qui voudraient l’être en qualité », résume-t-elle.
Le marché mondial du bio était estimé à 44,5 milliards d’euros en 2010, selon les chiffres de l’Institut de recherche sur l’agriculture biologique et la Fédération internationale des mouvements de l’agriculture biologique (IFOAM).
Le Bhoutan approvisionne le Japon en champignons rares, fournit des légumes à des hôtels chics de Thaïlande, des pommes à l’Inde et du riz rouge aux Etats-Unis. En évitant fertilisants et autres produits phytosanitaires, le pays veut aussi réduire sa facture d’importation, un souci majeur pour une nation pauvre en devises étrangères.
Cette politique du « tout bio » » a « fournir au pays la réputation d’une alimentation de grande qualité biologique ce qui, à long terme, lui donnera un avantage sur le marché et la possibilité de pratiquer des prix élevés »,anticipe Peter Melchett, de la Soil Association, organisme britannique plaidant pour les cultures biologiques.
AFP